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jeudi 9 mai 2013

Germinal - 20/04/2013

Nous avons longtemps hésité avant de visiter les mines de Potosi. N'était-ce pas une sorte de voyeurisme que d'aller visiter les mineurs jouant leur vie? Était-ce si difficile que ça (chaleur, manque d'air)? Cela en valait-il la peine? Une discussion avec les anciens mineurs reconvertis en guide de l'agence "Real Deal" finit par nous convaincre.

Samedi matin, nous étions donc une petite quinzaine de personnes massées devant le bureau de l'agence, dont 6 français: Lucie, Nicolas, Jean Baptiste, Anne, et nous. Évidemment, seuls les français avaient choisi la visite en espagnol, accompagnés de Pedro.

La première étape était le marché des mineurs. Ici, les mineurs se fournissent en coca (pour tenir le choc de l'altitude et de la faim), jus de fruit, et toute sorte d'outils nécessaires au travail. Le plus étonnant : la dynamite! Le marché des mineurs est sans doute le seul endroit où l'on peut en toute légalité acheter de quoi faire péter un immeuble entier! Et pas cher, en plus! Évidemment, Renaud n'a pas pu résister...

Ayant revêtu des tenues appropriées, nous avons ensuite rejoint le Cerro Rico. L'entrée de la mine était devant nous, étroite, sombre, humide. Adieu le jour, bonjour la nuit. Pedro nous raconta qu'à l'époque de Pizarro, les indiens creusant la mine ne pouvaient en sortir qu'après un certain nombre de mois. Ils demandaient donc à ceux qui transportaient le minerai à l'extérieur de les tenir informés du nombre de lunes passées, puisqu'ils n'avaient plus aucun repère temporel...

Peu gêné par le parcours, Pedro était locace. Il nous expliqua que pour devenir propriétaire d'une veine, il faut au préalable travailler 3 ans pour l'ancien possesseur, avec des missions et des rémunérations évoluants chaque année. De simple larbin à qui l'on fourni tout le matériel, le mineur devient peu à peu autonome.

Notre guide disserta ensuite sur les bons et mauvais côtés de la coopérative, censée aider les mineurs les plus démunis. Plus étonnant, il démolit complètement la réputation du film "the devil's miner", vendu à droite et à gauche comme une immersion dans la difficile vie des mineurs de Potosi. Pedro nous indiqua que les acteurs et réalisateurs du film n'avaient auparavant jamais mis les bottes dans les galeries du Cerro Rico!

Quant à nous, nous progressions, courbés, à la lueur des lampes frontales, dans des tunnels de plus en plus chauds et oppressants, sans parler des odeurs acides qui prenaient à la gorge. L'ascension de trois échelles à pic nous mis carrément sur les rotules, et nous força à reprendre un souffle rendu court par altitude (4900 m!) et la poussière. L'escapade était cependant nettement moins difficile que ce que nous imaginions. Cela provient aussi du fait que nous étions samedi, et que par conséquent, le nombre de mineurs au travail était réduit. En tout cas, ceux que nous avons croisé étaient très affairés.

La mine est belle! Nous n'aurions jamais pensé écrire une telle phrase, mais les couleurs roses, vertes, bleues des différents minerais la rendent jolie. C'est sûr, 50 m plus bas, au fin fond des galeries obscures où s'affairent les mineurs, elle doit être moins attirante...

Et puis, au détour d'une galerie, nous sommes tombés nez à nez avec 'El Tio', le dieu, où plutôt le diable de la mine! Au plus fort de l'exploitation minière, les indiens se sont rendus compte que les colons espagnols ne descendaient jamais dans la mine, et ont donc levé le pied. Ne reculant devant aucun subterfuge, les espagnols ont alors sorti du chapeau 'El Dio' (devenu 'El Tio pour des problèmes de diction). Ce dieu, assimilable au diable surveillait les mineurs de l'intérieur de la mine, prêt à punir les tire au flanc...

Peu à peu, les mineurs se sont dit que ce diable qui vivait avec eux n'était peut-être pas si mauvais, et se sont mis à le vénérer. Aujourd'hui encore, ils le prient deux fois par an: la première en janvier pour lui demander protection et prospérité, la seconde en décembre pour le remercier.

Notre visite fut évidemment le prétexte d'une offrande. Un peu de coca pour l'endurance, et... un petit flacon d'alcool de canne à sucre. Titrage du flacon : 96°! Pedro nous expliqua qu'il fallait de l'alcool pur, pour que le Tio récompense par une veine pure. "Surtout, ne pas le couper avec du jus!". Et bien sûr, il était absolument nécessaire de partager l'offrande avec l'énorme statue. Pleins de courage, nous avons donc bu à tour de rôle une lampée dubreuvage. Comme l'a dit un certain Gérard Jugnot, "ça vous déboucherait un chiotte!". D'autant que l'ami Pédro prit un malin plaisir à insister sur le couple Tio/Mineur, et nous engagea à boire une seconde fois!

Du coup, c'est l'oeil pétillant que nous achevâmes cette visite que nous ne regrettons pas: ce fut une expérience unique, enrichie par les excellentes explications de Pedro. Les conditions de travail sont suicidaires, et si les mineurs gagnent mieux leur vie que quiconque à Potosi, leur espérance de vie excède rarement 50 ans. Une de ces visites qui permettent de relativiser un certain nombre de nos problèmes d'occidentaux, en quelque sorte...

 

 

 

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