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vendredi 26 avril 2013

Semaine sainte dans la vallée sacrée: le Machu Picchu - 28/03/2013

Est-il besoin de présenter le Machu Picchu, chef d'oeuvre Inca construit au XVe siècle sous le règne de Pachacutec. Juché à 2438 m d'altitude, entre les pics abrupts du Huyana Picchu ('Jeune montagne') et du Machu Picchu ('Vieille montagne', d'où il tire son nom), il a été remis à jour par Hiram Bingham (et non Indiana Jones) en 1911, avant d'entrer au patrimoine mondial de l'UNESCO en 1983 et de recevoir la visite des Simpsons lors d'un épisode de 2009. Photographié des millions de fois, décrits dans les documentaires, films, livres que vous vous ferez une joie de consulter, sa visite était marquée d'une pierre blanche dans notre itinéraire.

Aller au Machu Picchu, c'est un peu passer dans la moulinette à touriste. Pour s'y rendre, il existe 3 façons : à pied, par le chemin de l'inca ou le salkantay treck; en mode routard, via différents bus, trains, (environ une journée de voyage); en train, d'Ollantaytambo à Aguas Caliente, point de départ vers le sanctuaire.

Après le Tazara en Afrique (lire 'Ceux qui m'aiment prendront le train'), la Nariz del Diablo en Équateur (2010), le Jakarta-Jogiakarta en Indonésie (2009), nous voulions prendre ce train, bien qu'il soit hors de prix. Et puis Renaud, fils de cheminot, poussé par sa conscience professionnelle, avait tout intérêt à diagnostiquer les éventuels problèmes vibratoires de l'engin. De toute façon, le treck se réserve des mois à l'avance (ça, on sait pas faire!!), et 4 jours sous la pluie ne nous tentaient pas. Concernant le chemin du backpacker, bah, pour une fois, on a eu la flemme!

Pour ce qui est des billets d'entrée au sanctuaire, le combo Machu Picchu + Huyana Picchu était "sold out", mais celui qui nous intéressait était le combo Machu Picchu + mountain Machu Picchu, offrant un point de vue élevé (3000 m) sur l'intégralité du site (Machu Picchu et Huyana Picchu).

Mercredi, un collectivo nous emmena de Pisac à Urubamba, un autre à Ollantaytambo, et sous une pluie glaciale, nous sommes montés dans le train estampillé Inca Rail, à destination d'Aguas Caliente. Ce village - sans doute le plus touristique du Pérou -, ressemble à s'y méprendre à une petite station de ski savoyarde, la neige en moins, la rivière Urubamba en plus; grossie par plusieurs mois de pluie, elle rugissait le long de la voie ferrée. Dans notre hôtel humide et poussiéreux, nous avons tenté de trouver le sommeil, malgré l'excitation grandissante.

Le Machu Picchu, nous voulions le mériter. Il était donc 4h45 du matin, jeudi, lorsque nous nous sommes lancés à l'assaut des 1700 marches menant à la cité inca. Même en basse saison, nous n'étions pas seuls, et les lumières des frontales dans le jour naissant ressemblaient à un balet de lucioles. Lucioles quelque peu détrempées, puisqu'il pleuvait comme vache qui pisse! 1h30 plus tard, nous touchions au but, ruisselants de pluie et de sueur. Machu Picchu ouvrait ses portes, il n'attendait plus que nous!...

"Ça doit être magnifique!". C'est en résumé notre expression une fois sur place; on dit qu'il y a un côté mystique à voir les aiguilles environnantes déchirer les nappes brumeuses au dessus du site, mais en l'occurence, il aurait fallu une tronçonneuse pour couper le brouillard. On n'y voyait pas à 30 m, et pour être tout à fait francs, au bout de 2h, nous avions les larmes aux yeux : le site était noyé dans un coton blanc, nous étions trempés jusqu'aux os et frigorifiés.

Arrivés devant la "roche sacrée", nous avons trouvé un abris pour sécher et avaler discrètement un petit déjeuner frugal. Pendant ce temps, les groupes de touristes affluaient, et nous écoutions d'une oreille attentive les explications de leur guide. Après une petite heure de séchage et au moins 10 groupes, nous avions une connaissance parfaite de l'histoire de la "roche sacrée", taillée en forme de la montagne qu'elle surplombe. Nous avions aussi parfaitement compris pourquoi il est interdit de manger sur le site : c'est incroyable de voir ce que les gens peuvent laisser comme détritus en moins de 10 minutes : chips, emballages plastiques, bouteilles d'eau... le gardien de la zone s'arrachait les cheveux!

Et puis, vers 10h, la pluie a cessé, et nous avons repris la visite. Le Machu Picchu se dévoilait lentement, et son immensité commençait à nous happer. Vanessa tira alors la sonnette d'alarme : les billets d'entrée pour la montagne Machu picchu expiraient à 11h, il fallait s'y rendre. Tant mieux, car le site devenait de plus en plus encombré.

Si la montée d'Aguas caliente vers Machu Picchu ne fut pas une partie de plaisir, que dire alors des 600 m de dénivelé menant au sommet de la "Machu Picchu Mountain"? Des marches de 50 cm de haut, inégalement disposées en bordure de précipice, le tout baigné dans une épaisse brume... il fallait une foi inébranlable pour continuer, et nombreux sont ceux qui ont rebroussé chemin en lançant : "de toute façon, ça ne va pas se découvrir, inutile de monter".

Pari perdant, car le ciel s'est découvert, et alors que nous avions atteint le sommet, Machu Pichu entama une folle partie de cache cache avec les nuages. En quelque secondes, des nappes brumeuses s'élançaient vers le ciel, découvrant la cité et le Huyana Picchu, avant de heurter le plafond nuageux, tourbillonner, et retomber comme un soufflet. Chaque éclaircie était bien sûr saluée par les applaudissements et acclamations de la trentaine de courageux spectateurs.

De retour au pied de la montagne, nous nous sommes octroyé une sieste méritée à l'écart de la "maison du gardien", aka LE point de vue "carte postale". Nous aurions pu rester une éternité à contempler la beauté de la cité inca et prendre 1000 fois la même photo, juste parce que c'est beau. En 2007, Machu Picchu a été classé parmi les 7 nouvelles merveilles du monde, et quoique l'on puisse dire sur l'objectivité de ce concours privé, il est sans doute le seul élu qui soit indiscutable.

Passé 15h, le site se vida lentement, nous permettant de déambuler quasi seuls dans les ruelles, en compagnie des lamas et chinchillas. Nous n'avons pas pris de guide, et c'est peut être un tort; il nous aurait sans doute appris une quantité phénoménale de choses sur l'histoire de Machu Picchu. Mais il existe des documentaires pour ça, et notre intérêt était ailleurs : c'est la globalité du site qui nous a conquis. Les temples et maisons, parfaitement alignés, la verticalité des montagnes environnantes, la rivière Urubamba grondant 600 m plus bas, les Klaxons des trains résonnant dans la vallée... magique.

Et puis, les coups de sifflets des gardiens ont mis fin au rêve: il était 17h, Machu Picchu fermait ses portes. Le chemin du retour nous attendait. Longtemps nous sommes restés silencieux, prolongeant à l'extrême les instants magiques que nous venions de vivre. Il est facile de cartographier les points d'intérêt du Machu Picchu, il est plus difficile de décrire l'immensité et la mystique qui s'en dégagent. Quant à la plénitude qui nous a envahi, cette sensation d'être là, minuscules témoins devant l'éternité, vivants, aucune photos ou vidéos ne peut malheureusement le retranscrire.

 

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