Le mystère de la vache qui rit - 24/02/2013

Voilà plus de quatre vingt dix ans que scientifiques, philosophes ou ethnologues du monde entier se penchent en vain sur l'intrigante question : "Pourquoi 'la vache qui rit' rit?". Nombreuses sont les hypothèses qui ont été avancées, sans jamais réellement convaincre. Il aura donc fallut attendre 2013 et notre venue à Hiva Oa pour élucider enfin ce mystère.

Hiva Oa, rendue célèbre par Gauguin et Brel (lire 'exquises marquises: Hiva Oa') , fait partie du tout jeune archipel des Marquises (6-7 Millions d'années). C'est ici, sur la 'terre des hommes' que l'on trouve l'artisanat le plus développé du pacifique sud. tatouage, sculpture sur bois, pierre, rostre, aussi loin que l'on remonte dans le temps, les marquisiens ont toujours des artistes. Ils tatouaient , pétroglyphes, sculpture de Tikis, divinités représentées avec les mains sur le ventre, foyer de l'esprit.

Ils ont aussi longtemps été réputés pour leur hostilité aux colons, leurs pratiques cannibales, et leur côté belliqueux. Mais au XVIIIe siècle, il en fallait plus pour effrayer la sainte église catholique, et peu à peu les missionnaires finirent par imposer la religion chrétienne sur l'archipel. La pratique du tatouage fut abandonnée (reprise dans les années 80), tout comme le culte des Tikis. Ceux ci devinrent d'ailleurs asexués, leurs sexes imposants étant enlevés.

Peu à peu, la végétation reprit ses droits, plongeant les pae pae, marae, et tikis dans l'oubli. Certains sites ont depuis été mis à jour par les archéologues ( IIpona sur Hiva Oa, Hathieu sur Nuku iva...), qui continuent de s'intéresser au formidable patrimoine culturel des Marquises.

Mais les missionnaires n'ont pas amené que la religion et les maladies avec eux. Ils ont aussi importé des chèvres, des vaches et des chevaux du Chili. Ces chevaux sont désormais emblématiques de l'archipel, et l'on imagine facilement un cavalier marquisien parcourant les crêtes ciselées de l'île, un sac de coprah attaché sur la croupe du cheval.

Ce sont cependant les vaches qui nous intéressent dans cette histoire. Elles que l'on rencontre au détour des routes, broutant dans les fossés quand elles ne sont pas tout simplement en train de ruminer sur la chaussée. Une d'entre elles eu un jour l'audace de s'éloigner du manguier au pied duquel elle broutait, pour s'enfoncer un peu plus en aval, sur un petit sentier. L'herbe y était gouteuse, et l'ombre des bananiers était rafraichissante.

Insouciante, la vache se laissait porter de touffe d'herbe en touffe d'herbe, suivant inconsciemment le chemin balisé par les petites taches rouges des piments poussant dans le secteur. D'ailleurs, elle les trouvait exquis, ces petits piments. Gourmande, elle en mangea une sacré quantité, sans s'apercevoir que sa belle robe noire et blanche se teintait de rouge.

Soudain, alors qu'elle débouchait tête baissée dans une minuscule clairière, elle heurta violemment un bloc de pierre. Agacée, elle releva le museau, prête à renverser l'impudent rocher qui troublait son déjeuner. C'est là qu'elle le vit, à 20 cm de ses naseaux rosés : le 'Tiki qui sourit'!

Face à elle se dressait un Tiki bedonnant d'à peine un mètre de haut, arborant un sourire contagieux, rempli de bonne humeur. Un sourire, un vrai. Ravalant sa colère, la vache se mit à rire, à rire, à rire! Sans pouvoir s'arrêter. Ainsi est né le mystère de la vache qui rit!

Près d'un demi siècle plus tard, nous avons garé notre 4x4 au pied d'un gros manguier, parcouru une centaine de mètres à l'ombre des bananiers, cueillant ça et là un piment rouge vif, et nous l'avons trouvé. Souriant, presque moqueur, le tiki était là, à nous regarder autant que nous le contemplions. Bien évidemment, nous avons ri aux éclats, heureux de l'avoir trouvé, tout autant que d'avoir percé le mystère de de la vache qui rit. Reste désormais à répondre à une nouvelle question, tout aussi intrigante : "Pourquoi le 'Tiki qui sourit' sourit?"...

 

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