Après les 4 jours idylliques de Fakarava, la barre était placée haute pour Rangiroa, seconde escale de notre passage aux Tuamotus, habituellement décrite comme un must de la plongée. Les échos que nous en avions avaient le même timbre : "le village est moins agréable que Fakarava, mais les plongées...". Et pour bien en profiter, nous avons sorti l'artillerie lourde.
Yves Lefèvre. Ce nom ne vous dit probablement pas grand chose. C'est pourtant cet homme, ayant travaillé avec Cousteau, Hulot, rédacteur de plusieurs ouvrages sur la faune océanographique de Polynésie, qui fut le défricheur des plongées à Rangiroa. Et c'est lui, ou plutôt son club, que nous avons choisi pour explorer la célèbre passe de Tiputa.
Là encore, les avis concernant le Raie manta club étaient unanimes: "ils vous trouveront bien un gilet et une bouteille pour vous emmener plonger...". Et c'est vrai qu'à comparer de la perle de Matias à Fakarava (lire 'Fakarava : l'esprit plongée'), le Raie manta est un club atypique, dans sa petite cahute à 2 pas des pêcheurs.
Qu'importe la bouteille de plongée, pourvu qu'on aie l'ivresse! À Fakarava, Guy nous avait parlé de Lefèvre en termes tellement élogieux que nous ne pouvions que le choisir. D'ailleurs, les conversations téléphoniques de Renaud avec ce dernier avaient largement conforté notre choix: Ou comment un coup de fil pour un renseignement se transforme en tirade passionnante sur la faune terrestre et aquatique du pantanal, en Amérique du sud!!
Seul bémol à notre enthousiasme, Yves Lefèvre ne serait pas là en personne pour nous emmener plonger, accaparé qu'il était par le démarrage de l'antenne du club à Rurutu (Australes). C'est donc un certain Yann Hubert qui nous a encadré. Là encore, ce nom vous est probablement inconnu. Pourtant, entre 20 ans d'Ushuaia, de Thalassa, 2 ouvrages, et une place de choix dans les jurys de concours photo/vidéo du monde entier, le CV de ce vidéaste et photographe sous marin fait pâlir! une chose n'y est toutefois pas mentionnée : la disponibilité et la gentillesse de l'homme qui nous a guidé pendant 7 plongées.
Côté plongée, le plus grand atoll de Polynésie (il pourrait contenir Tahiti dans son lagon) est ouvert sur l'océan par les passes d'Avatoru et Tiputa. C'est précisémment cette dernière qui en a fait un des tops spots mondiaux. Entre un groupe de dauphins à résidence, la présence régulière de raies mantas, requins baleines, marteaux, tigres, et même parfois celle de baleines, Tiputa est le lieu de tous les possibles. Celui où l'on peut effectuer son baptême en compagnie de raies mantas, danser avec les dauphins, ou se trouver nez à nez avec un requin tigre. Des histoires de fous, nous en avons entendu des dizaines...sans pour autant en vivre...snif!
Les dauphins sont venus chanter plusieurs fois près de nous, sans se laisser approcher. Une seule fois, nous les avons vus passer au dessus de nous, et l'instant était magique. Que dire des mantas, marteaux, tigres...introuvables!
Pourtant, l'expérience plongée à Rangiroa fut des plus instructives. Déjà, parce que plonger avec un guide capable de jouer à 'je te tiens, tu me tiens..' avec un poisson pierre, de faire bouger une rascasse pour favoriser la photo, ou de patienter 20 minutes sous l'eau pour nous montrer la reproduction des chirurgiens moutarde, c'est un privilège. Pour cela, et pour tous ses conseils, un grand merci à Yann!
Ensuite, parce que nous avons quand même vues de très belles choses avec lui. Du caché (Lion fish, poissons feuille, poissons pierre), de l'insolite (murène en pleine séance de nettoyage par une crevette, baliste en train de nidifier), ou encore du naturaliste: au cours d'une plongée "sunset" (lorsque le soleil se couche), nous avons observé la reproduction des chirurgiens moutarde. Regroupés par centaines, ils s'élancaient de concert vers la surface, en éjectant leurs oeufs dans des nuages blanchâtres semblables au bouquet final d'un feu d'artifice, avant de retourner se tapir dans le fond... En effet, le coucher de soleil est aussi le moment de la chasse, et de nombreux thons rodaient, prêts à passer à table. C'est lors de cette plongée que nous avons croisé une superbe raie léopard, venue s'approcher à quelques mètres à peine. Et bien qu'il ne soit pas évident de parler sous l'eau, Vanessa fit parfaitement comprendre à Renaud qu'elle allait l'étrangler : l'appareil photo n'avait plus de batterie pour immortaliser l'instant...
Enfin, nous avons vu du "gros". Du très gros même, au cours de 2 plongées avec des requins "potentiellement dangereux en situation de stimulation nutritive". La première eu lieu en compagnie de requins gris et soyeux, dans un concept amusant. Du bateau, le marin jeta quelques gros cailloux, ainsi qu'une tête de bec de canne; Les cailloux, en coulant, sont assimilés par les prédateurs à des poissons en détresse, donc à un dîner potentiel... Restait à voir qui avait faim!
Parmi les requin gris qui s'étaient joints à la fête, un spécimen était particulièrement entreprenant, au point de s'approcher très près de Renaud (oui, quand un requin est à portée de bras, on peut dire qu'il est près!). Yann nous expliqua a posteriori que ledit requin est connu dans le coin pour détester les flash d'appareils photo, et pour avoir la facheuse tendance de les arracher...
La seconde plongée "adrénaline" (notre dernière à Rangiroa) eu lieu dans la passe d'Avatoru, lors d'une séance de smelling. Le smelling, qu'est-ce que c'est? C'est une manière d'attirer les prédateurs de façon plus élégante que du feeding. Contrairement à cette pratique, le smelling consiste à cacher une tête de poisson (bec de canne dans notre cas) sous un rocher, et d'attendre les prédateurs. Pour ce qui est de la tête offerte, la murène et le baliste qui se la sont partagée étaient ravis. En ce qui concerne les prédateurs, 3 Tapete (pointes blanche de récif) de 3 m de long qui tournent autour de soi, ça fait frissonner...
"Et Rangi, c'est joli?". L'atoll en lui même est un petit moins agréable que Fakarava, car plus développé, plus touristique. Ceci dit, les gens sont accueillants, et nous y avons fait de belles rencontres. A commencer par la pétillante Lili, dont la délicieuse cuisine nous a conquis (hum, le mahi mahi sauce vanille...)! Nous voyant en galère devant une cabine téléphonique, Lili nous emmena à Avatoru puis diner chez son pote du snack Obélix. Le monde étant petit, nous y avons partagé la table avec un infirmier qui avait travaillé quelques mois plus tôt avec les acheteurs de notre van (lire 'Sydney'); nous avons aussi atterri dans le restaurant de l'ancien patron du Millenium, à Villefranches sur Saône!
Quant au logement, Marie nous a offert un accueil "made in Tuamotu" à la pension Teina : sourires radieux, bonne humeur, bavardages plein de vie! Marie eu aussi la bonne idée de nous conseiller la visite de la ferme perlière Gauguin, très instructive.
Seulement, un petit nuage gris flottait dans le ciel bleu de Rangiroa : nous n'avions pas vu de raies manta, et Yann était formel : ce n'était pas la période. Alors nous avons pris le parti d'écourter d'une journée le séjour, pour se rendre à Tikehau, où les mantas étaient présentes.
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