Les Moais de l'île de Pâques, symboles de l'île, sont envoutants et omniprésents. C'est pourtant un autre aspect de la culture pascuane qui a retenu notre attention : le culte de l'homme oiseau.
Ce culte naquit alors même que les guerres de clans s'intensifiaient, et que l'admiration des ancêtres disparaissait (perte d'intérêt pour les Moaïs). Il était voué à Make Make, divinité au corps humain et à la tête de sterne, qui selon la légende aurait amené un oeuf avec lui sur Rapa Nui. Cet oeuf aurait donné naissance au genre humain. En plus des nombreuses marques de respect sous forme de pétroglyphes, Make Make était célébré chaque année, au printemps, lors de l'élection du Tangata Manu, 'l'homme oiseau'.
Comme dans tout le pacifique sud, cette célébration s'accompagnait de redoutables épreuves physiques, visant à prouver la valeur des guerriers. Mais pas seulement. L'élection de l'homme oiseau conférait au vainqueur un pouvoir militaire et politique indéniable. Chacun des notables importants de l'île désignait le guerrier de son choix, qui le représenterait lors de l'épreuve.
L'épreuve se tenait en septembre, au moment où les sternes (oiseaux marins migrateurs) venaient se reproduire sur le Motu Nui, au sud de l'île. Les concurrents commençaient par parcourir à la nage - sur de petits radeaux de bois - les 1400 m les séparant du motu. Compte tenu des courants et de la houle à cet endroit là, on se doute que ce devait être tout sauf une partie de plaisir...
Une fois sur le Motu, ceux qui ne s'étaient pas noyés ou écrasés sur les rochers n'étaient pas au bout de leurs peines. Ils devaient alors affronter les sternes en duel, et s'emparer du premier oeuf pondu. Dans un épisode d'Intervilles, c'est à ce moment que la vachette aurait fait son apparition : "Simone, ma chère Simone! Je crois que le concurrent du village d'Anakena vient de se faire empaler par la vachette!"
L'oeuf en poche (si l'on peut dire...), pas le temps de lambiner: il restait non seulement à faire le chemin inverse, mais en plus à escalader la falaise à mains nues, jusqu'au site cérémonial d'Orongo. On imagine aisément les drames qui ont pu se produire au moment de ce passage crucial: la crise de nerfs du concurrent qui écrase l'oeuf en le remontant, ou pire, celui qui le laisse échapper au moment de se hisser sur la terre ferme!
Le premier guerrier à ramener l'oeuf à son maître lui offrait un pouvoir politique énorme au cours des 12 mois suivants. Quant à lui, il était désigné 'Tangata Manu', l'homme oiseau. Pour la peine, on lui rasait la tête, les cils et les sourcils, et il vivait reclu pendant un an. En tant qu'incarnation du dieu Make Make, seule une poignée de personnes était habilité à le voir.
L'histoire ne dit pas si la célébration du culte a péréclité en raison de l'évangélisation de la population, ou plus prosaïquement parce que les sternes ont cessé de venir nicher sur le motu (des expériences de réimplantations sont actuellement en cours). Toujours est-il qu'elle nous a plu...
NB : les photos d'esquisse de cet article sont issues de l'exposition permanente sur le site d'Orongo. Nous racontons ici ce que nous avons compris du culte de l'homme oiseau, et il existe sans aucun doute des documentations plus exhaustives. À vous de chercher...
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